
LUCIEN LELONG

Lucien Lelong voit le jour en 1899. Ses parents ont une certaine notoriété et sont inscrits à la toute jeune chambre syndicale de la Couture, aux côtés des grands couturiers en renom comme Jeanne Lanvin, Jeanne Paquin ou Paul Poiret. Il effectue son service militaire au 4e régiment de hussards en 1909 et entre comme étudiant à l'école des hautes études commerciales de 1911 à 1913.
Il apprend le métier et aux côtés de son oncle, marchand de tissus. Le 4 août 1914, il devait présenter sa première collection mais, le 2 août, il est mobilisé pour la Première Guerre mondiale et part en première ligne au 2e cuirassiers. Le 22 janvier 1915, il est nommé sous-lieutenant de réserve. Il est attaché à la mission française auprès de l'armée britannique. Le 24 mai 1917, il est grièvement blessé par un éclat d'obus et passe neuf mois à l'hôpital.
Il reprend les activités de la maison de couture familiale en 1918, et bien qu'elle soit restée ouverte, les caisses sont vides. La raison sociale est transformée en « Lelong & Fried » (du nom de son associé) en 1920, année qui voit la naissance de sa fille Nicole, dont il a épousé la mère, Anne-Marie Audoy, en 1919. En 1921, la maison devient « Lucien Lelong ». Les collections de 1921, 1922 et 1923 reçoivent un bon accueil de la presse et des clientes. Parmi les femmes en vue, certaines n'hésitent pas à poser pour ses toilettes dans les magazines : Simone de Caillavet, future épouse d'André Maurois, la comtesse de Chabannes, la princesse Galitzine (Marina Petrovna de Russie), la danseuse Georgia Graves.
En 1924, il quitte le quartier de la Madeleine pour s'installer au no 16 avenue Matignon à Paris, et dépose les statuts de sa société de parfums. En 1925, il crée la silhouette « kinétique », ou encore « kinoptique » et « cinématique », c'est-à-dire d'une ligne souple, moderne, dynamique. Il fut le premier à imaginer, une dizaine d'années plus tard, le prêt à porter de luxe et à penser à l'unité d'une production, du vêtement aux accessoires et aux parfums, considérant la mode autant dans sa dimension esthétique, qu'industrielle et commerciale.
Il participe à l'Exposition des Arts décoratifs de 1925 et présente ses modèles dans le pavillon de l'Élégance sur des mannequins de Siegel.
En 1926, il lance son trio de parfums A B C dans des flacons de René Lalique. Un an après, il sort deux nouveaux parfums : J pour Jasmin et N pour Natalie, du prénom de Natalie Paley, princesse Romanov, qu'il épouse le 9 août 1927, soit à peine un mois après son divorce de sa première épouse. Cette union prend fin en 1937. De 1925 à 1950, il lancera près de quarante parfums. Il avait ouvert une boutique rue Gardères à Biarritz, où il avait connaissance avec la famille Paley, et où Natalie Paley était devenue mannequin pour sa maison. Il inaugure une succursale pour ses parfums à Chicago en 1928.
En 1927, il rallonge ses modèles. En 1928, la taille est plus marquées. En 1930, la taille remonte, il lance son parfum Passionnément. En 1933, il essaie les crêpe Rosalba et Phosphora et la viscose. Il habille dans ces années 1930 : Marlene Dietrich et Baba de Faucigny-Lucinge, deux amies de son épouse (Ils divorceront en 1937). Jean Ebel est son modéliste durant ces années-là... Pour faire face à la crise, il lance en 1934 la première collection de prêt-à-porter de luxe : la collection Édition comportant quatre-vingt modèles, sans succès. Il fait refaire ses salons en 1935 par le décorateur Jean-Michel Frank et lance un nouveau parfum : L'Indiscret, dont le flacon a la forme d'un drapé de robe. Il reprendra plus tard ce modèle pour créer une robe. Les sculptures du luminaire sont de Diego Giacometti. Cette année-là, il participe à l'Exposition universelle de 1935 à Bruxelles.I
l propose en 1937 un patron dans la revue Votre beauté et, après la guerre, des conseils dans Elle. Il devient président de la chambre syndicale de la haute couture parisienne jusqu'en 1947. C'est à la fin des années 1930 qu'il se découvre une passion pour la sculpture et obtiendra un prix au Salon de 1938. La modéliste de l'époque est Nadine Robinson. Le marionnettiste Jacques Chesnais, demande à Lucien Lelong, Maggy Rouff, Schiaparelli et Jeanne Lanvin d'habiller ses quatre-vingt-dix marionnettes qu'il veut présenter à l'étranger comme un défilé de mode. Lucien Lelong habille deux poupées : l'une porte une longue jupe de satin rose pâle ornée de larmes de cristal, l'autre une jupe de tulle sombre rebrodé de paillettes bleu nuit.
Mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, Lucien Lelong est exempté au bout d'une dizaine de jours. Il se fixe pour objectif de faire fonctionner malgré toutes les difficultés la haute couture parisienne, afin de sauver les emplois. Si cet objectif est atteint, cela permet aussi de protéger et faire perdurer le savoir-faire. C'est ainsi qu'il arrive à persuader les cent cinquante acheteurs new-yorkais à venir voir les dernières collections en leur faisant prendre un bateau pour l'Italie d'où un train les conduit à Paris. Le 17 juin l'armistice est signé, Lelong est à Biarritz.
Rentré à Paris, les officiers allemands lui font savoir que les ouvriers et ouvrières parisiens doivent gagner Berlin et Vienne où ils devront enseigner la couture dans l'école qu'ils comptent ouvrir dans ces villes. Les ateliers de couture parisiens seront transférés à Berlin. Lelong refuse et les officiers l'invitent à aller exposer son point de vue à Berlin. Il y arrive avec le soutien de la chambre syndicale et du ministre de la Production industrielle. Il obtient gain de cause et la restitution de ses archives.
Il lance son parfum Mon Image en 1940.
En 1941, à quelques semaines d'intervalle, il engage les modélistes Christian Dior et Pierre Balmain avec lequel il avait travaillé avant guerre. Il lance un nouveau parfum : Elle. Elle….
Parmi ses clientes il compte Michèle Morgan, Sophie Desmarets, Madame Paul Renard (l'épouse du patron des Fromageries Paul Renard), Greta Garbo, Colette ou Jacqueline Delubac. Son modèle de sac en bois fut créé en 1941 et par la suite beaucoup copié.
C'est grâce à lui si la haute couture n'a pas sombré pendant l'occupation. Il sera traduit devant un tribunal et acquitté en 1945, la cour reconnaissant qu'il avait collaboré au minimum à la seule fin de préserver le patrimoine et l'emploi du personnel de la profession. Balmain le quitte en 1944 et fonde sa maison l'année suivante.
Lelong effectuera une dernière mission aux États-Unis pour la chambre syndicale et donnera sa démission le 5 novembre 1945. Celle-ci le nommera président d'honneur à vie.
Hubert de Givenchy fera un court passage chez lui en 1946, avec deux autres modélistes : Serge Guérin, avec lequel il ne s'entend pas très bien, et Serge Kogan. Il n'apprécie pas de devoir présenter ses modèles à ce qu'il appelle « le Tribunal » dans ses mémoires, lequel est composé de Lucien et Nicole Lelong et de la baronne d'Aviliers. Christian Dior part à son tour en 1946 . Sa fille Nicole arrête ses études de médecine pour travailler avec son père. Le 12 février 1947, il est le témoin du succès du New Look et du triomphe de Christian Dior. En 1948 il présente sa collection inspirée par des modèles New Look.. Son parfum Orgueil sort en 1947.
Lelong concevait ses modèles comme des épures d'architecte, épousant le corps pour mieux le libérer. Ses drapés sont aussi fluides et sculpturaux que ceux d'une Madeleine Vionnet ou d'une Madame Grès.
Pour raison de santé, il ferme sa maison en août 1948. Bien qu'épuisé, il décide de continuer les parfums au no 6 place Vendôme à Paris, et lance en 1949 Cachet Bleu après les célèbres Mélodie, Jabot, Sirocco, Murmure, Bois vert, Cachet, Plumes, Penthouse, Balalaïka, etc.
Il se remarie pour la troisième fois en 1954, avec Sanda Dancovici, après avoir arrêté son activité en 1952. Ils vivent ensemble près de Biarritz sur la commune d'Anglet, au domaine de Courbois, qu'ils restaurent à grands frais. Ils jouent au golf avec le duc de Windsor et donnent des réceptions au domaine. Ils ont une fille, Christine, qui a gardé le souvenir de celles-ci. En 1949, après la fermeture de la Maison Lucien Lelong, la première de l'atelier tailleur, Germaine Devaucou, rejoint Jean Dessès.
Il meurt d'une crise cardiaque dans la nuit du 11 mai 1958..